jeudi 14 juin 2007

Lettre ouverte aux verts d'auvergne

Bonjour,

Si je conserve du respect et de l'amitié pour une grande partie des militants verts auvergnats à titre individuel, je m'interroge de plus en plus sur leur capacité collective à prendre le recul nécessaire afin d'analyser la situation pitoyable dans laquelle se trouve aujourd'hui la gauche non libérale.
Je pense que personne ne peut pavoiser de nos résultats respectifs (émiettement des scores des petits partis qui rassemblés auraient permis de présenter, sinon une alternative crédible, au moins un élan porteur d'espoir envers un électorat de gauche déboussolé). Cela suppose que nous soyons tous capables d'un minimum d'auto-critique pour ne pas se masquer nos propres insuffisances.
Le Comité Régional Politique se réfugie derrière les "tables de la loi" pour mettre au pilori l'un d'entre nous, dans le cadre de petits procès mesquins. C'est pratiquer pour demain la politique de la terre brûlée.
Vous qui réclamez la proportionnelle, vous n'êtes pas encore suffisement démocrates pour supporter qu'un tiers des militants verts du département (du courant "Alter-Ekolo") soient représentés lors des deux derniers scrutins.
A propos des législatives, vous avez reçu à deux reprises des courriers (voir pièces jointes) vous proposant une "entente électorale", afin de ne pas reproduire l'état de division à l'origine de l'échec aux présidentielles mais vous n'avez pas daigné y répondre.
Chacun veut réaliser l'unité autour de ses propres certitudes. Ainsi les partis finissent par être des chapelles, des bulles fermées où l'on ne perçoit plus l'image que l'on donne à l'extérieur. Selon moi, le parti des verts pêche par absence d'humilité et pense être toujours exonéré de ses erreurs de choix politiques. Par exemple à l'échelon national, avoir dit oui au Traité Constitutionnel Européen ou plus localement avoir voté OUI au budget global régional 2007, budget qui confortera encore plus l' agriculture agro-chimique et OGM au détriment de la petite agriculture paysanne et biologique que nous sommes sensés défendre. Dernière en date, la subvention exceptionnelle et dérogatoire accordée au pain Jacquet, entreprise du groupe Limagrain qui fabrique le pseudo pain des hamburgers.

Afin d'éviter de voir la réalité en face, vous persistez à vous acharner sur Yves Gueydon, militant sincère qui a fait acte de résistance et de lucidité politique, notamment à l'occasion du vote du budget de janvier 2007, afin de le remplacer par un autre élu qui, même s'il est un écologiste expérimenté, n' a pas du tout les capacités de combativité de Yves.
Les verts continueront d'avaler des couleuvres, de se satisfaire de déclarations d'intention. Ils continuerons de croire à une méthode pédagogique qui finirait par persuader leurs "bons" alliés du bien fondé de leurs options politiques. Cela est trop souvent démenti par la réalité des faits , comme le démontre mon rapport envoyé à tous les verts à propos des deux années passées en tant qu'assistant du groupe des élus Verts au Conseil Régional. Témoignage qui explique largement les raisons pour lesquelles j'ai démissionné de mon poste. En réalité les notables du PS méprisent leurs partenaires, ne respectent pas les accords passés lors des élections régionales. Et je déplore que quatre conseillers régionaux Verts sur cinq, appuyés par la direction du parti, n'osent pas affronter cette réalité, en tirer les conséquences et le dénoncer publiquement. Il préfèrent s'en prendre à Yves Gueydon, le seul qui est prêt à se démarquer de cette attitude en faisant acte de résistance.

Quant à mon cas, mis à pied du parti des verts au CPR de ce lundi 11 Juin, vous devez savoir que je n'ai pas repris ma carte en 2007, aussi je trouve que cette mesure de rétorsion frise le ridicule !
J'aurais préféré qu'on réponde au rapport que j'ai évoqué ci-dessus car je suis toujours dans l'attente de la moindre réaction à son propos, alors que ce document a été envoyé à tous à deux reprises (février et avril)

Salutations résistantes, Jean-Michel Duclos

Jean-michel Duclos : Les raisons de ma démission au conseil régional :

J'ai assumé, deux années durant, le poste d'attaché au groupe des élus verts du Conseil Régional. Je viens de donner ma démission en ce mois de février 2007, en voici les raisons.

Je rappelle que nous sommes associés dans le cadre d'un accord de deuxième tour aux socialistes et communistes pour gérer les affaires régionales. J'ai toujours su que ce poste ne serait pas de tout repos et qu'il faudrait se battre pied à pied sur de nombreux dossiers, pour orienter un tant soit peu la politique régionale vers des compromis acceptables, intégrant un minimum de mise en pratique des valeurs de l'écologie politique.

Mais je constate qu'aujourd'hui, à mi-mandat le compte n'y est pas.

Nos "partenaires" du parti socialiste ne sont pas des coéquipiers loyaux, qui respectent leurs associés et avec qui l'on peut travailler sereinement. Ils n'ont d'ailleurs jamais été reconnaissants de la quote-part que les Verts leur ont apportée dans la victoire lors des régionales de 2004 contre un Giscard que tout le monde donnait gagnant.

Totalement hégémonique et imbu de sa posture majoritaire, l'exécutif régional socialiste joue en permanence sur l'opposition entre le PC et les Verts sur des questions aussi cruciales que les OGM ou Vulcania, pour maintenir sa suprématie.

Ce sont pour quelques responsables les plus en vue, de parfaits notables de la politique, entièrement formatés par des années de pensée technocratique et bassement gestionnaire. Ainsi aucun dialogue sincère n'est possible, ce qui contribue à donner à nos relations une atmosphère déshumanisée.

Ils restent mécaniquement attachés aux principes de l'économie libérale et très largement inféodés aux exigences des lobbies en place. Leur grande peur est que la droite les étrille sur des questions de croissance économique et d'emploi (le mot emploi pris au sens de productif et compétitif, une vision décroissante n'étant pas du tout à l'ordre du jour de l'assemblée régionale).

Sur trop de dossiers, cela les oblige à faire le grand écart entre les discours et la pratique, entre les souhaits d'un patronat ou d'une caste économique toujours aussi avide d'argent public et la défense des citoyens par qui ils ont été élus. L'important c'est de donner le change aux uns et aux autres, gouverner est malheureusement trop souvent l'art de naviguer entre des prises de position totalement incompatibles.

Reste à savoir si les orientations prises sont « écologiquement et socialement » conciliables avec la défense des intérêts des citoyens et si elles sont en phase avec les véritables enjeux qui se posent à notre société.

C'est sur cette dernière question que je n'accepte plus de participer à ce que je considère comme un leurre politique.

Sur la question de la subvention au pôle Céréales Vallée, j'étais partisan à ce que les Verts sortent de la majorité actuelle. A mon grand regret, cette décision n'a pas été prise lorsque la question a été posée lors du conseil d'administration du samedi 28 novembre dernier.

J'en tire toutes les conséquences et donne ma démission du poste d'assistant du groupe. Les raisons qui suivent me permettent d'illustrer le malaise grandissant que j'ai ressenti ces derniers temps à ce poste.

A) - La question des OGM, très liée à celle de l'agriculture biologique et paysanne.

C'est sur la question de l'engagement du Conseil Régional à financer les OGM de plein champ que les Verts avaient fixé la ligne rouge à ne pas franchir pour que notre groupe reste dans la majorité actuelle.

Cessons de jouer sur les mots, financer le pôle de compétitivité "Céréales Vallée", revient au même quand on connaît les détails de ce programme. Dans le débat conflictuel que nous avons avec les conseillers régionaux PS tout est question subtile de sémantique : "vous mélangez tout", "on ne va pas au-delà de la recherche de laboratoire","on a pris la précaution de ne pas tomber dans ce que nous ne voulions pas, c'est à dire la culture d'OGM en plein champ". Pour eux, subventionner une partie du programme ne revient en rien à cautionner le tout ! Laissons leur la paternité de cette affirmation que beaucoup ne partagent pas. A commencer par la région Aquitaine qui du ester en justice contre le préfet pour avoir refusé de subventionner une entreprise pratiquant les cultures OGM.

L'attitude du Conseil Régional d'Auvergne revient, quant à elle, à cautionner les objectifs du pôle d'autant plus que notre contribution financière débloque l'argent de l'état et maintenant de l'Europe à travers le contrat de plan.

D'autre part, les axes de recherches pour lesquels le conseil régional a accordé ses subsides, comportent également des points litigieux : D'après Christian Vélot, un chercheur en biologie moléculaire que nous avons interrogé, le point 2 de ce contrat de partenariat concernant la sélection assistée par marqueurs est une technique polyvalente pouvant aussi bien servir dans le registre des cultures conventionnelles que OGM. Quant au point 4, dénommé technique de Tilling, c'est pour lui une technique aussi dangereuse que les OGM, qui consiste à soumettre la plante à un agent mutagène, expérimentation hasardeuse qui contourne la réglementation OGM. Mais nous sommes rassurés, "la subvention régionale ne porte que sur les trois premiers volets de projet" !

Pour ceux qui ne l'auraient pas encore perçu, il y a longtemps que l'exécutif régional s'est engagé dans la voie de la soumission aux exigences de la multinationale semencière.

Le grand débat régional organisé au printemps 2006 sur les quatre départements d'Auvergne avait pour finalité de rapprocher les points de vue entre pro et anti-OGM, cela nous a été répété à maintes reprises par René Souchon. Lors des débats, ce dernier n'oubliait jamais de lancer un appel du pied en direction de l'INRA et de LIMAGRAIN, en leur promettant des crédits de recherche.

De même, le président de région n'a t-il pas, il y a quelques mois, jeté un certain émoi à l'ARF (Association des Régions de France), lorsqu'il a annoncé avoir été approché par Limagrain, afin de convenir d'un secteur qui pourrait être affecté aux expérimentations OGM de plein champ. En réalité, nous le savons par les nombreuses études scientifiques attestant d'une dissémination, toute coexistence entre cultures OGM et culture conventionnelle et biologique est rigoureusement impossible, sans polluer ces dernières. Sauf dans l'esprit du président de région qui nous a également déclaré, lors d'un intergroupe, que l'on pourrait bien consacrer quelques hectares aux essais OGM de Limagrain. C'est bien d'ailleurs l'essentiel de ce qu'il a retenu de la lecture de la Charte de Florence.

L'attribution à présent de la subvention au pôle de compétitivité "Céréales Vallée" n'est qu'une suite logique de ce scénario soigneusement mis en place dès la fin de l'année 2005. La délibération actant son financement fût prise sur un véritable coup de force de la commission permanente du lundi 20 novembre 2006 afin de faire passer cette subvention en urgence, malgré la demande écrite des élus régionaux verts de retirer cette question de l'ordre du jour .

Sur la méthode, le principe de passer cette décision en commission permanente est très contestable : Les modalités de financement de ce pôle de compétitivité n'étant pas encore été définies à ce jour, cette résolution sur un sujet aussi sensible aurait dû être prise lors d'une session publique, seule instance habilitée à définir les règles adoptées par l'assemblée régionale.

Autre motif de contestation, nous venions d'adhérer à la charte de Florence et le Conseil Régional devait mettre en place un "comité de suivi", comité décidé lors de la session du 12 septembre dernier et chargé de poursuivre la réflexion concernant les questions OGM en Auvergne : Ce dossier aurait du en toute logique être soumis préalablement à l'examen de ce dernier. Ce comité ne fût finalement crée que suite à la forte mobilisation lors de la session budgétaire du 10 et 11 janvier dernier. Il n'aura qu'un rôle consultatif, et constitué majoritairement de personnalités pro-OGM, il ne manquera pas d'apporter une bénédiction finale à une décision déjà prise. De plus que lui laissera-t-on examiner puisque les travaux du comité scientifique sont soumis au devoir de confidentialité (article 15 des statuts du pôle de compétitivité).

Curieusement, l'adoption en catimini de cette délibération démontre bien au contraire un empressement de l'exécutif régional à financer l' INRA associé à la firme LIMAGRAIN sur un contenu de recherche à usage privé. Interrogés sur cette précipitation à agir de la sorte lors de l'intergroupe majoritaire qui a précédé la commission permanente, Jacques Bernard Magner vice-président à l'action économique a répondu que sur injonction de l'état, une réponse de principe devait être donnée avant le 7 octobre et que si le conseil régional n'intervenait pas à hauteur de 700 000 euros, l'état ne participerait pas au financement du pôle. Si l'on s'en réfère aux propos de M. Magner, cela veut tout simplement dire que le financement régional a permis de débloquer les 2,6 M€ affectés par l'état et qui eux portent sur l'ensemble du programme du pôle de compétitivité "Céréales Vallée". Cerise sur le gâteau, dans le cadre du contrat de plan 2007-2013, le Conseil Régional vient encore de verser son obole au pôle de compétitivité en contre partie d'un nouveau co-financement de 2,3 M€ de l'état ainsi que de 3,8 M€ de l'Europe. Au total , c'est plus de 10 M€ d'argent public qui seront ainsi attribué au pôle « Céréales Vallée ».

Sur le fond, il est incontestable qu'une partie des objectifs du pôle "Céréales Vallée", dénommé également "innovation dans les céréales", est liée à la problématique OGM, à celle du brevetage du vivant, et plus généralement aux intérêts de l'agrochimie semencières et des industries biogénétiques et alimentaires qui lui sont liées. La liste des partenaires concernés, entre l'INRA dirigée par Michel Becker connu pour ses positions "pro-OGM", et le groupe LIMAGRAIN ainsi que ses filiales BIOGEMMA et MERYSTEM, permet de s'en convaincre. Le document qui présente les objectifs du pôle est, comme l'analyse Lilian Céballos docteur en pharmacie, un vibrant plaidoyer "pour une vision européenne de la génomique et des biotechnologies végétales", présentée comme la voie obligatoire du développement agricole de demain, sur fond de concurrence internationale et de compétitivité économique effrénée. Le tout étant bien résumé par les propos de Jacques-Bernard Magner : " je préfère soutenir le projet de LIMAGRAIN que celui de MONSANTO", complété par la réflexion d'un Alain Bussière ;"le propre des transferts de technologie, c'est que les recherches soient réappropriées par l'entreprise".

Livrer une telle somme d'argent public, destinée à de la recherche à usage privée dans le but de développer de nouvelles variétés de céréales qui seront brevetées par une multinationale et ses filiales est il dans l'intérêt de l'environnement et de la population ? Franchement je ne le pense pas.

Tous les sondages sont unanimes pour nous rappeler que les citoyens sont à une très grande majorité opposés à trouver des OGM dans leur assiette. Il en serait de même s'ils étaient interrogés sur la qualité de la nourriture que l'agriculture chimique et l'industrie de transformation

leur fournit dans les grandes surfaces comme dans la restauration collective. Assurément ils se prononceraient pour qu'elle soit dépourvue de traces de pesticides ainsi que de toutes cette kyrielle d'additifs, colorants et émulsifiant que l'on y retrouve. Sauf qu'une grande partie d'entre eux n'ont guère les moyens de faire autrement. Quand on est smicard ou rmiste comment échapper aux discounteurs ou aux Fast-food ? C'est malheureusement un fait reconnu, ce sont les catégories les plus défavorisées qui se nourrissent le plus mal.

Les problèmes de malnutrition, d'obésité, l'apparition de pathologies dûes aux pesticides ou encore d'allergies dûes aux excès de mauvais gluten dans la panification industrielle devraient interpeller le pouvoir politique. De même, les problèmes de gestion qualitative et quantitative de l'eau, un bien commun altéré par les nitrates déversés par une agriculture productiviste, ou gaspillée pour les besoins d'irrigation de cette même agriculture devraient également être au centre des préoccupations du pouvoir politique. C'est du moins ce que l'on espère, si l'on a le soucis de la santé publique et pas seulement celui de la compétitivité économique.

Une collectivité telle que le Conseil Régional devrait à l'évidence orienter ses aides vers des productions agricoles de qualité, respectueuses de l'environnement, surtout lorsque l'on a eu l'ambition de vouloir devenir la première région française en agriculture biologique au moment de la campagne électorale au printemps 2004.

Or, entre "le dire et le faire", il y a parfois un monde que seule l'absence de courage politique peut expliquer.

A l'inverse, l'agriculture biologique ne progresse guère et les aides que lui accorde la région Auvergne restent liliputiennes. Le nombre d'agriculteurs n'augmente pas, les reconversions stagnent, faute d'aides suffisamment fortes et adaptées. L'aide en apport de matière grise qui manque cruellement au domaine de l'agriculture biologique, est attribuée allègrement aux entreprises des secteurs économiques les plus en vogue : les TIC, les activités logistiques, les start-ups en biotechnologie et science du vivant, les transfert de technologie, le marketing territorial, bref tout des secteurs en poupe pour lesquels des lignes financières sont grandes ouvertes. Le mot compétitivité, répété si souvent, fait figure de « Sésame ouvre toi ».

Quant à l'agriculture paysanne, celle qui aurait pu être aidée pour s'orienter vers des productions de qualité, elle risque de voir disparaître la moitié de ses exploitations dans la décennie à venir. Pourtant, beaucoup de chemin reste à faire, pour mettre en cohérence les actes et les discours.

J'estime qu'à mi-mandat, des mesures importantes restent à prendre, s'il on veut conditionner les aides agricoles au respect de l'environnement et au bien-être animal, à une alimentation de qualité…

-Favoriser les réseaux de distribution de proximité, les circuits courts (AMAP, jardins de cocagne, marchés de producteurs locaux …)

-Aider efficacement à la mise en place d'une plate-forme d'approvisionnement séparée de produits bio et ainsi sécuriser la filière.

-Lutter contre la spéculation immobilière qui voit partir de nombreux bâtiments de ferme en résidences secondaires, créer des réserves foncières afin d'installer de nouveaux agriculteurs dans une démarche d'agriculture durable.

- Soutenir la restauration collective autogérée pour l'achat de productions biologiques relocalisées, développer des projets éducatifs liées à l'alimentation dans les écoles, assurer une meilleure formation aux cuisiniers, aux intendants.

-Augmenter les moyens dédiées à la formation du milieu agricole en matière de techniques de production biologique, créer un pôle de recherche et compétence d'agriculture biologique, sauvegarder les semences paysannes…

-Prendre des mesures agro-environnementales et initier des contrats de bassin versant pour lutter contre la pollution de l'eau, explorer des voies nouvelles comme celle de la méthanisation des déchets agricoles (fournitures d'énergie renouvelable et de compost).

Les consommateurs n'auraient-ils pas plus besoin d'un retour à des pratiques culturales plus respectueuses de l'environnement, exemptes de pesticides notamment ? Retrouver une alimentation saine et nutritive est possible grâce à la grande diversité des semences déjà existantes et faisant partie du patrimoine cultivé de l'humanité. Sauvegarder également une agriculture à taille humaine, apte à relocaliser les productions sur les marchés de proximité.

Nul n'est besoin de pôle de compétitivité pour cela et il nous faut préserver ce patrimoine de l'appétit insatiable des multinationales à faire main basse sur notre bien commun. Après l'offensive contre le purin d'ortie, le harcellement juridique à l'encontre de l'association Kokopelli pour œuvrer à la sauvegarde de semences potagères et florales anciennes, en témoigne. Cela nous révèle dans quel contexte ultra-libéral nous sommes, et la caution apportée par le Conseil Régional au pôle de compétitivité s'inscrit totalement dans ce contexte là.

La renaissance d'une analyse de classe n'est en aucun cas ringarde et apparaît à nouveau nécessaire dans notre société gangrenée par la régression sociale. Face à un lobby agro-industriel toujours aussi prédateur (pollutions en tout genre, gaspillage d'eau et d'énergie, malbouffe) et arrogant (Limagrain annonce des bénéfices records), l'agriculture bio ne progresse pas et la petite agriculture paysanne vit un long déclin programmé. Mais, en matière d'analyse de classe, il y a longtemps que l'idéal "socialiste"du PS s'est évaporé dans les nimbes du temps.

Non, le débat ouvert par la subvention au pôle "Céréales Vallée" ne peut pas seulement être réduit à une question stricto-sensu d' "OGM plein champ". C'est beaucoup plus grave que cela. C'est l'acceptation de la suprématie de la grosse agriculture céréalière au détriment d'autres modèles agricoles comme l'agriculture biologique pour laquelle le PS s'était fait un emblème électoral bon marché et pour laquelle il n'a rien fait ou presque depuis trois ans !

Non, il ne sert à rien de peaufiner un agenda 21 dans ces conditions ; ce ne sera qu'une caution de plus, un recueil de bonnes intentions servant de vernis à bon compte, pour des choix politiques qui ne sont pas les nôtres.

B) - Bilan à mi-mandat, « globalement positif » ?

Les nombreuses déceptions accumulées ont émoussé la motivation qui régnait en début de mandat. A commencer par l'attente interminable d'un minimum de moyens pour fonctionner et faire avancer nos dossiers en charge. En général la faiblesse des effectifs et des moyens financiers destinés au domaine de l'environnement témoigne d'un niveau de conscience de l'exécutif régional très loin des enjeux planétaires. L' impuissance des élus verts à peser suffisamment sur ces choix devrait les inciter à porter ce débat sur la place publique.

Bien sûr nous pouvons trouver quelques bonnes raisons d'être satisfaits de la présence des Verts dans cette majorité et du rôle qu'ils ont pu jouer dans plusieurs registres. L'été dernier, nous avons recensé un certain nombre de points où nous pouvons relever des avancées même minimes grâce en partie ou entièrement à la présence des élus Verts. De sorte que nous pouvons toujours dresser un catalogue qui nous satisfasse et justifie ainsi notre présence dans cette majorité. Sans la présence des Verts, certains dossiers de partenaires associatifs ne seraient sans doute pas passés. Je pense tout particulièrement au secteur de l'économie social et solidaire. On ne peut pas en dire autant de tous les dossiers sur les quels nous sommes intervenus (l'exemple du dossier ACAP / Galipote).

Mais je serais tenté de relativiser la portée de ces avancées :

-De nombreuses décisions restent de l'ordre de la déclaration d'intention.

Un 1er exemple concerne le diagnostic énergétique dans les lycées. On en parle chaque année mais pour l'instant on ne fait qu'en parler. Peut être l'année 2007 verra-t-elle un début d'étude ? Faudra-t-il un mandat complet pour le réaliser ? Le début des travaux reporté aux calendes grecques ?

Autre exemple, la prise de position du Conseil Régional contre les investissements pour les routes nationales. En fait de prise de position, ce budget 2007 verra encore 18 M€ de crédits affectés aux travaux sur les routes, soit même un peu plus que sous la mandature de VGE, et toujours, proportionnellement à un investissement bien inférieur sur le rail. C'était pourtant à notre arrivée une proportion que l'on s'était promis d'inverser. De même, au sujet des zones logistiques connectées au rail, pour l'instant le Conseil Régional abonde largement ses crédits pour des pôles logistiques à vocation exclusivement routière (le dernier en date a hérité de 800 000 € à Toulon-sur Allier).

- Il y a aussi les effets d'annonce dont il faut se méfier des conséquences perverses :

L'exemple type pourrait bien être ce que l'on classe dans la rubrique « éco-filières ou filières émergeantes ». On nous présente, en guise de premier projet de la région Auvergne, le projet d'une usine clef en main devant produire le synfuel, un biocarburant issu de la biomasse forestière. Cela nous est proposé par un obscur bureau d'étude sorti du chapeau. En terme d'éco-bilan énergétique de cette technologie nouvelle, nous avons seulement pu obtenir aujourd'hui qu'un commentaire très critique de l' ADEME. Gardons nous des abus de langage où il suffit de rajouter le terme « éco » pour enjoliver un projet, masquant ainsi l'émergence de l'appétit d'actionnaires financiers, tentant de nous refiler de la « fausse monnaie » .

Un autre projet contestable, sur le plan social, va débarquer des cartons du Conseil Régional et provient du même bureau d'étude : une « usine de démontage des voitures à l'envers » . En théorie, rien à dire sur le concept, sauf que ce travail de récupération des métaux et de démontage des véhicules usagés représentait le « gagne pain » des populations d'origine manouche ou tsigane. Ces familles de petits ferrailleurs subissent une évolution de la législation qui leur interdit, aujourd'hui, de faire ce métier si elles ne se mettent pas en règle avec les nouvelles normes environnementales. J'ai transmis plusieurs notes à ce sujet aux élus du PC et du PS, mais je dois constater qu'il n'y a ni écoute ni retour.

Un bilan ne doit pas seulement s'apprécier au nombre des mesures que nous avons pu faire prendre. Si nous sommes persuadés de l'urgence écologique et sociale, c'est aussi en terme de masse budgétaire qu'il nous faut évaluer ce bilan. C'est pour moi un aspect très important et qui pèse lourd dans ma décision. Effectivement, partis de rien, les budgets énergie et eau ont augmenté dans de grosses proportions et c'est aujourd'hui l'argument hypocrite dont se sert René Souchon pour brider le budget de Yves Gueydon au niveau de 2006. Sous les rubriques dénommées « aides aux chaudières bois granulés, aides au solaire combiné, au photovoltaïque ...», l'ensemble de la ligne budgétaire solaire et bois énergie culmine aujourd'hui à la somme de 3 M€, soit 0,5% du budget global. En comparaison Vulcania nous coûte cette année la bagatelle d'environ 21 M€, soit sept fois plus ! Et combien de fois plus que la somme affectée à la protection de l'eau (700 000€), à la promotion de l'agriculture biologique (600 000€) !

Croyez vous que nos partenaires socialistes soient vraiment convaincus de l'urgence environnementale ? Autre critère qui doit nous permettre de mesurer l'importance qu'accorde nos partenaires aux dossiers liés à l'environnement, c'est le nombre de personnes affectées à ce secteur dans les services du conseil régional. Sachez qu'à l'époque de Giscard, le service environnement était de très loin le plus petit de France. Pour donner une idée, ce service avec ses trois emplois et demi était en 2004 trois fois plus petit que celui du Limousin qui n'en comptait pas moins de dix tout comme la Bourgogne ou la Haute-Normandie. Fort de cette comparaison, nous pouvions décemment espérer que la nouvelle majorité aurait à coeur de combler de tels écarts avec des régions de même taille.

Mais ce genre d'argument n'est pas de nature à troubler l'esprit des élus du parti socialiste, en fait c'est comme si vous parliez dans le désert. Alors que ces derniers firent augmenter l'effectif du personnel administratif d'une centaine de personnes, ce fût un véritable chemin de croix pour faire croître celui du service environnement. Il fallut de multiples relances et plus de 17 mois pour obtenir le premier poste affecté au secteur de l'énergie, 20 mois pour celui concernant le domaine de l'eau et un peu plus de deux ans pour en créer un destiné au développement durable !

Croyez vous qu'ils aient fait une priorité absolue de tout ce que chacun d'entre nous a pu entendre ou voir dans les médias à propos du changement climatique mis en exergue par tout le tapage fait autour du du film d' Algore ou du « pacte Hulot » ? et que du coup, ils soient prêts à répondre à cette inquiétude générale en terme d'effort budgétaire à la mesure des enjeux ? Non, surtout lorsqu'un René Souchon nous rétorque que selon lui ces budgets environnementaux ont bien assez augmenté l'année dernière, pour que cette année ont en reste là. Par contre, accourir au secours de l'aéroport d'Aulnat en déficit chronique, pour en prendre la présidence alors que l'on sait que ce mode de transport est l'un des pires responsables de l'effet de serre, dire amen et financer à chaque fois que l'opportunité d'un pôle logistique de fret routier se présente, obtenir une rallonge dans le futur contrat de plan pour les travaux routiers du Cantal, voilà qui nous donne une idée de son niveau de conscience de l'urgence climatique.

Voici toute la mesure de l'hypocrisie entre le dire et le faire à laquelle nous sommes confrontés.

Je ne peux, à titre personnel, plus supporter de travailler pour un parti qui ne sais pas se faire respecter et qui n'a pas non plus le courage de le dénoncer publiquement.

Si pour certains les lignes rouges sont solubles dans l'exercice du pouvoir, pour moi, il y a des seuils où les compromis vont trop loin, trahissant nos idéaux de jeunesse qui ont fait la force de nos convictions.